Zéro alcool : Alcoolisation fœtale : boire un seul verre durant la grossesse peut provoquer un désastre pour le bébé
À La Réunion, un enfant porteur de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale (TCAF) naît tous les deux jours. Des bébés nés avec des troubles causés par la consommation d’alcool par la maman pendant la grossesse. Mais pas seulement. Si le père consomme de l’alcool, cela peut aussi impacter la santé de son enfant à naître. Et nul besoin de boire en grande quantité, un seul verre peut provoquer des conséquences sur le développement de l’enfant. Retard de croissance, malformations, hyperactivité... sont quelques-uns des troubles pouvant frapper les bébés de parents qui ont bu de l’alcool pendant la grossesse. Qu’on se le dise : c’est zéro alcool dès le désir de grossesse (Photo d’illustration rb/ www.imazpress.com)
"Le seul verre d'alcool ingéré va passer dans le sang de la maman et ira directement à l'enfant", explique le Docteur Denis Lambin, pédiatre et président de Saf (Syndrome de l'alcoolisation fœtale) France. "C'est comme si on prend un quart d'un comprimé interdit lors de la grossesse", donne-t-il en exemple.
Un verre d'alcool qui, dans sa composante, "contient un produit, l'éthanol, une molécule tératogène, qui, par son action sur l'embryon, peut produire des malformations", poursuit le pédiatre.
Des malformations et des risques qui dépendent de chaque mère. "Le cerveau de l'enfant se développe durant toute la grossesse et pour voir l'impact, tout dépend de la capacité de la maman à éliminer le produit toxique."
"Quand on boit peu on peut avoir un danger, comme il peut y avoir des femmes qui boivent de manière importante et n'auront pas de séquelles chez leur bébé", dit-il. "C'est comme à la loterie et il ne faut pas prendre ce risque avec la santé de l'enfant."
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"Un verre suffit à mettre en péril le développement des organes, mais il n'y a pas de relation de "dose/effet" identique pour chaque individu", indique le Docteur Alice Pouilley Bax, médecin généraliste. "C'est pour ça que la règle c'est : 0 alcool pendant la grossesse."
"Le placenta – qui permet les échanges métaboliques entre la mère et le fœtus -, apparait au cours de la deuxième semaine de grossesse. Ce dernier a donc un rôle dans la nutrition, la respiration, l’immunité et l’excrétion des déchets fœtaux", indique la médecin généraliste dans sa thèse dédiée à l'alcoolisation foetale.
"L’alcool traverse la barrière placentaire par diffusion passive et sa concentration s’équilibre rapidement entre la mère et l’enfant. Du fait de son immaturité hépatique, et de ses capacités enzymatiques moindre en Alcool déshydrogénase (ADH) la métabolisation (élimination de la substance absorbée) de l’alcool par le fœtus est faible" explique la praticienne.
C'est-à-dire que "pendant la grossesse le foie du fœtus est immature car en cours de formation, il n'a pas les mêmes facultés à éliminer l'alcool et est donc plus vulnérable à la toxicité de l'alcool", précise la médecin.
"Quand la mère est gaie, son enfant est ivre" note Alice Pouilley Bax en citant le Docteur Philippe Dehaene.
Dans le premier trimestre de grossesse "où se déroule la phase d’organogenèse, l’impact de l’exposition à l’alcool expose principalement à un risque malformatif", précise la professionnelle de santé. L'organogenèse étant "la phase de développement des organes durant la grossesse".
Ce risque évolue selon les phases de développement des différents organes et de leurs sensibilités aux effets de l’alcool.
"Le système nerveux dont le cerveau se développe tout au long de la grossesse, est susceptible d'être impacté à n'importe quel stade de la grossesse si la mère consomme de l'alcool".
"Les autres organes sont susceptibles d'être affectés si la mère consomme pendant leur phase de développement (ex: un fœtus est susceptible d'avoir des malformations cardiaques si la mère consomme entre la 3ème et la 6ème semaine de grossesse car c'est à ce moment que se développe le cœur", ajoute la médecin.
Au premier mois de gestation, "l’exposition à l’alcool impacte les structures primitives du cerveau, exposant au risque de dysmorphie(déformation - ndlr) crânio-facial caractérisant le SAF".
Au cours du deuxième trimestre, "l’exposition à l’alcool perturbe la régulation, la prolifération et la migration neuronale entrainant un risque accru de cellules ectopiques (qui n'ont rien à faire là - ndlr) dans les différentes régions du cerveau".
Enfin, le troisième trimestre est caractérisé par une phase de croissance cérébrale intense. "La toxicité de l’alcool entraine un risque d’anomalie de formation des synapses (une zone entre deux neurones - ndlr), un retard cérébral ainsi qu’une perte neuronale. C’est durant cette période que peuvent s’inscrire les troubles neuro comportementaux."
- Et le papa dans tout ça ? -
Le père ne porte pas l'enfant mais sa consommation d'alcool peut aussi avoir un impact sur la santé de son enfant.
"S'il y a eu consommation, même trois mois avant la conception de l'enfant, cela peut altérer le sperme et provoquer des répercussions et des malformations", précise le Docteur Denis Lambin.
"Il existe des cas d'enfants atteints de Saf ou Tsaf ou la consommation d'alcool par la mère en pré-conceptionel et pendant la grossesse n'a pas été prouvé. En revanche celle du père en préconceptionel était bien présente", ajoute la Docteur Alice Pouilley Bax.
"Les récentes études montrent que la consommation d'alcool par le père pendant la grossesse entraîne des modifications épigénétiques de l'ADN du spermatozoïde (l'environnement de l'ADN ce qui peut favoriser les malformations) dit-elle encore.
"Le conseil à donner au couple avec désir de grossesse est de stopper l'alcool plusieurs semaines avant la procréation", alerte-t-elle.
- Petites doses, grandes conséquences -
L'exposition à l'alcool par la mère comme par le père, peut donc avoir des répercussions différentes en fonction de chaque personne.
La forme la plus grave et la plus complète d’une exposition à l’alcool est le Syndrome de l'alcoolisation fœtale (SAF).
Il se défini par : un retard de croissance avant ou après la naissance, une dysmorphie faciale caractéristique (fentes étroites, un espace entre le nez et le menton plus lisse, des lèvres supérieures fines) ou encore une microcéphalie (petite tête).
"L’association de ces trois symptômes est suffisamment spécifique pour affirmer le diagnostic de SAF complet même en l’absence de preuve d’une exposition prénatale à l’alcool (EPA)", explique le Docteur Alice Pouilley Bax.
Il existe cependant selon le degré de sévérité un ensemble d’autres troubles regroupés sous le terme de Trouble du spectre d’alcoolisation fœtale (TSAF).
Des troubles neurodéveloppementaux liés à l’alcool (TNDLA) qui se définissent par une EPA confirmée même en l’absence de retard croissance et caractéristiques dysmorphiques spécifiques.
Des anomalies congénitales liées à l’alcool (ACLA) qui représentent toutes les malformations et dysplasies (malformation des tissus ou des organes) conséquentes d’une alcoolisation au cours de la grossesse comme les malformations cardiaques, les malformations squelettiques, les malformations rénales ou la surdité.
Des troubles dus à la consommation d'alcool qui peuvent être détectés avant la naissance notamment par exemple grâce à l'échographie avec des malformations assez spécifique dû à la consommation d'alcool pendant la grossesse.
Des enfants qui, atteint de cette pathologie, en plus de risques de malformations, peuvent "perdre leur capacité d'auto-contrôle". C'est-à-dire que "la partie frontale de son cerveau ayant été abîmée, il peut ne pas respecter le cadre donné et parfois se marginalise", note le Docteur Denis Lamblin.
À La Réunion, un enfant porteur de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale naît tous les deux jours. C’est la première cause de handicap neurocognitif qui est très majoritairement évitable.
Aucune consommation d’alcool, aussi faible soit-elle, ne peut être considérée sans risque depuis le projet de grossesse jusqu’à l’allaitement.
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com
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