Où sont passés les oignons ? : SOS : marmit kréol i rode partou zoignon pou fé kari
Zoignon par-ci, zoignon par-là… Depuis plusieurs jours, La Réunion n’a plus que ce mot-là à la bouche. Tous se posent cette question : où sont passés mes oignons ? Komen mi fé mon kari ? Au marché, en grande surface, dans la rue, sur les ondes… l’oignon est le sujet de la semaine (avec Didier Robert). La Réunion va-t-elle donc devoir bientôt se passer de cet ingrédient imparable pour de bons petits plats ? Les Réunionnais devront-ils faire un rougail saucisse avec zoignons blancs ? C’est à craindre… car ce n’est pas de suite que La Réunion verra ses étals remplis et surtout à des prix corrects (Photo : rb/www.imazpress.com)
À Sainte-Marie Beauséjour, rien… en tout cas ce lundi lors du passage de la journaliste d'Imaz Press. Pas un oignon sur les étals de ce primeur.
"On n'a pas beaucoup d'oignons et ça fait plusieurs semaines que ça dure", indique Monsieur Técher, gérant du Potager péi.
Selon ses dires, la cause principale, "c'est que les bateaux n'arrivent pas". "Le fournisseur nous a expliqué que les bateaux se faisant attaquer en mer Rouge, ils doivent faire un détour, du coup cela prend plus de temps." De plus, "certains pays comme l'Inde préfèrent ne pas en envoyer."
Et pour les rares moments où le primeur reçoit des oignons, "on restreint leur vente c'est-à-dire qu'on limite à un kilo par personne". Tout en précisant que "l'on vend le kilo 4,90 euros".
Des oignons importés qu'il privilégie aux produits péi, "qui coûtent trop cher". "Actuellement la production est entre 6 et 8 euros ce qui me ferait un prix de vente au client vers 12 euros alors comme c'est trop cher on ne propose pas ce produit", précise Monsieur Técher.
Dans le sud, au Carrefour Grand Large, "pas d'oignons pour le moment", non plus. "Peu de production locale et de gros retards d'approvisionnements maritimes", précise Johan Thiérin le directeur.
Toutefois, "le prochain arrivage devrait être jeudi en magasin, là le conteneur est au port", dit-il. Des oignons jaune de l'Hexagone, qui, une fois en magasin coûteront le prix de 1,69 euros le kilo.
Jean-Max Payet, directeur du marché de gros à Saint-Pierre confirme. "Des oignons il y en a très peu, tout simplement car à La Réunion ce n'est pas la saison."
"Il est donc cher et est vendu actuellement à 6 ou 7 euros le kilo, mais en pleine saison d'octobre à février, on retrouve l'oignon à 2 euros le kilo sur les étals", explique Jean-Max Payet.
- Un scénario mondial compliqué pour l’oignon -
Retards de navires, pas la saison… une autre raison explique l'absence des oignons sur les étals : l'Inde.
"Chaque année, depuis au moins 10 ans, entre janvier et septembre, l'essentiel des oignons importés vient d'Inde. Mais depuis 2023, le gouvernement indien a interdit l'exportation en raison de problèmes de production sur leurs régions", explique Éric Lucas, technicien à la Chambre d'agriculture.
"L'Inde ayant donc préféré garder les oignons pour leur marché local".
Si ces derniers mois, La Réunion ne ressentait pas le manque, "c'est que l'on enchaînait avec des oignons venus de Madagascar, de l'Hexagone ou encore du Pakistan".
Sauf que les imports de Madagascar ont généralement lieu d'octobre à novembre, "et même si les importateurs ont essayé d'anticiper désormais on en manque".
Ajouté à cela, "la faible qualité de certains produits", lance Éric Lucas. "Le Pakistan n'est pas un gros producteur et les oignons importés ne sont pas de grande qualité et cher puisque l'Inde n'est plus sur le marché."
Concernant les oignons de l'Hexagone, "la saison est de novembre à décembre". "Des oignons peu exportés car les Réunionnais n'en sont pas très friands."
"Les Réunionnais aiment l'oignon rouge, le rose mais pas le blanc, c'est moins bon dans les cari", sourit Éric Lucas.
À La Réunion, près de 5.000 tonnes d'oignon par an sont importés.
- L'urgence de relancer la production locale -
La crise de l'oignon "révèle une opportunité précieuse pour la filière oignon local de se distinguer sur le marché réunionnais, notamment en raison de la médiocre qualité des oignons du Pakistan actuellement disponibles, qui ne satisfont pas aux attentes des consommateurs réunionnais habitués à des produits de qualité supérieure", indique la Chambre d'agriculture de La Réunion.
"La production locale, présente de septembre à janvier, possède le potentiel d'atteindre l'autosuffisance. Cependant, des intérêts économiques maintiennent certaines productions comme des niches, entravées par les importations massives."
"Notre oignon péi est bon", aime dire Éric Lucas. "Nous avons la possibilité d'être concurrentiels et présents sur le marché."
"On peut faire de l'oignon mais aux consommateurs aussi d'avoir le réflexe de l'oignon péi pour privilégier la production locale. "
Le souci, "c'est que l'on n'a pas assez de semences". De plus, la difficulté pour les producteurs, c'est de trouver de la main-d'œuvre.
Raison pour laquelle la Chambre d'agriculture met à disposition des agriculteurs un semoir pour réaliser des parcelles d'oignon.
Autre frein, "la capacité de stockage. L'oignon peut se conserver six mois mais il faut pour cela que l'on ait suffisamment d'endroits adaptés et ventilés pour sécher l'oignon". "Aujourd'hui, les agriculteurs ont peu cette possibilité".
Éric Lucas le rappelle, "dans les années 80, on était auto-suffisant en terme d'oignon. Petite-Île ou encore Saint-Joseph étaient les capitales de l'oignon mais au fur et à mesure avec l'importation cela a diminué et l'on n'a pas pu suivre".
Mais "il y a quand même des zarboutans qui continuent à faire de l'oignon". Ils sont environ près de 200 à La Réunion. En 2022, La Réunion a produit 1.400 tonnes d'oignon et 1.000 tonnes en 2023.
Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas demain que les Réunionnais pourront cuisiner leurs plats aux petits oignons. "Le seul retour serait si l'Inde revient sur le marché et encore s'ils reviennent, ils reviendront plus cher", indique le technicien de la Chambre d'agriculture.
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com