Moins de 1,3 million de tonnes ramassées : Filière canne : 2024 sera la pire campagne sucrière de l’histoire
La filière canne-sucre reste encore et toujours la première industrie agro-alimentaire de l’île. Néanmoins, chaque année, la même épée de Damoclès est brandie au-dessus de la tête des planteurs. Alors que la récolte touche à sa fin, les chiffres sont alarmants. Avec moins de 1,3 million de tonnes ramassées, 2024 est, selon les planteurs, la pire campagne de l’histoire... (Photo : www.imazpress.com)
La pire de tous les temps. Tout simplement. Les dernières prévisions réalisées par les professionnels de la filière canne-sucre sont formels : avec 1,28 million de tonnes espérées d'ici la fin de la récolte, l'année 2024 va faire date. Augmentation des charges, aléas climatiques, augmentation du prix des plants, manque de solutions phytosanitaires, problèmes techniques, manque de main d'œuvre… les facteurs à l'origine des maux actuels sont nombreux. Depuis des années, la filière est dans une phase de survie, sous perfusion. Le métier n'attire pas.
Les événements de type job dating accueillent moins de visiteurs que d'offres d'emploi proposées. Pour les agriculteurs, à chaque jour suffit sa peine. Le nombre de planteurs et la surface plantée diminuent malgré les coups de pouce institutionnels. Aide à la production, aide aux surcoûts, aide au tonnage de canne livrée, aide à la replantation… L'accompagnement financier de l'Europe, de l'État, du Département ou de la Région, est en constante augmentation mais reste insuffisant.
Lire aussi - Aides aux agriculteurs : 84 millions d’euros sont (ou vont être) versés pour soutenir les filières locales
Malgré la mise en place d'un plan de relance en octobre 2023, l'objectif de 1,9 million de tonnes de cannes d'ici à 2030 apparaît bien loin. D'autant que 85% des planteurs de l'île possèdent des petites et moyennes exploitations et sont donc fragiles. Pour Olivier Fontaine, le secrétaire de la Chambre d'agriculture, la problématique reste la même : "Comment on apporte des revenus aux agriculteurs ?". Même si à court terme, l'objectif est de tout livrer au plus vite.
Car si certains planteurs ont terminé leur campagne, d'autres ont été ralentis par le mouvement social chez Albioma, qui a temporairement mis à l'arrêt l'usine sucrière de Bois Rouge. Il faut compter entre trois semaines et un mois pour mettre un point final à cette récolte tristement historique. Ensuite, il faudra maintenir les cultures en place et les relancer au plus vite. Mais de nombreux agriculteurs font part de leur problème de trésorerie dans un contexte où le prix des plants et des engrais a augmenté.
Depuis le mois de juillet 2023, l'Union européenne, via le Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural), octroie une aide à la replantation. Les montants des subventions forfaitaires à l’hectare correspondent au financement de 80 % des coûts éligibles. Mais les agriculteurs doivent avancer l'argent et cela ne résout pas leur problème immédiat de trésorerie. D'autant que si le taux de sucre naturel, qui sert de base de rémunération pour les agriculteurs, est en moyenne supérieur à l'année passée, c'est largement insuffisant pour combler les manques du tonnage.
- La diversification, oui, mais… -
Un point de richesse valant 5 euros, pour limiter les pertes, "il faudrait être sur une richesse de 2 à 3 points supérieurs", assure Olivier Fontaine. Cela ne sera pas le cas, ce qui représente de fait beaucoup de revenus en moins pour les agriculteurs. Parmi les solutions pour s'en sortir, la diversification est souvent mise en avant. Mais là encore, la situation est complexe. En 2024, la plantation de canne à sucre s'étend sur environ 20 000 hectares, soit la moitié des surfaces agricoles de l'île.
En parallèle, 70 % des fruits et légumes vendus à La Réunion sont produits localement. Il apparait donc difficile de cultiver beaucoup plus et de permettre à chaque planteur de se lancer dans la diversification. Autre piste évoquée : le bio. La Chambre d’agriculture travaille depuis plusieurs mois, en lien avec la Région et le Département, à la création de la première filière de production de sucre de canne biologique et d’énergie à partir de variétés davantage fibreuses de la canne.
- Survivre, encore et toujours -
"Des agriculteurs veulent se lancer mais il faut au préalable trouver une technique et un prix, explique le secrétaire de la Chambre. L'objectif c'est d'essayer plusieurs modèles. Il y a des avancées mais cela n'est pas encore concluant." Un nouveau point est prévu en fin d'année sur ce projet. En attendant, l'une des autres priorités reste de trouver des solutions pour pouvoir mieux mesurer le niveau de sucre. En effet, la méthode utilisée pour échantillonner et mesurer le taux est prévue pour la récolte à la main. Avec la mécanisation des exploitations, une partie de la richesse est perdue.
"Nous devons trouver un modèle apaisé de discussions", conclut Olivier Fontaine. Des discussions qui devraient reprendre très vite entre tous les acteurs de la filière. A l'issue de cette récolte, l'heure viendra de se retrouver autour de la table et d'envisager "une nouvelle convention" permettant, après analyses de toutes les difficultés, de refixer les objectifs de la filière. Au risque de créer un air de déjà-vu.
pb/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com