Du 8 au 10 mars
Le Port : des actions pour refuser les inégalités et défendre les droits des femmes

Jusqu’au vendredi 10 mars 2023, la ville du Port célèbre la semaine internationale des droits des femmes avec l’évènement “Femmes du Port, femmes de combat”. Objectif : refuser les inégalités et défendre les droits des femmes . Au programme : expositions, conférences, ciné-débat, masterclass, tables rondes, portraits de femmes et séance de dédicaces. Karima Khelifi danseuse-chorégraphe et Rokhaya Diallo, journaliste et réalisatrice, militante féministe sont les invitées de cette semaine.
Olivier Hoarau, maire du Port, lançait ce mercredi 8 mars 2023 une semaine autour de la mémoire de femmes qui ont changé l’histoire. Son discours a démarré sur une citation de Simone de Beauvoir : “N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique économique et religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Votre vie durant vous devrez demeurer vigilante” (Le deuxième sexe, 1949)
– Un combat d’hier et d’aujourd’hui –
Pour Olivier Hoarau, ces mots résonnent malheureusement encore aujourd’hui. “Alors que nous pensions que l’égalité entre les femmes et les hommes étaient acquise, force est de constater que c’est loin d’être le cas” a-t-il poursuivi. Le maire du Port a précisé que de grandes avancées ont tout de même été observées dans l’histoire lors de la ségrégation, l’esclavagisme et le droit de vote.
“Ces moments historiques nous les devons à des pionnières tels que Rosa Parks, Simone Veil, Isnelle Amelin et tant d’autres dont l’histoire n’a pas retenu le nom. À ces femmes qui se sont tenues droites et fières face à la misogynie, humiliations et menaces. À ces femmes qui nous ont montré le sens de la lutte, du combat, du respect” a souligné Olivier Hoarau avant d’évoquer des sujets d’actualité tels que les retraites.
“Le combat pour l’égalité n’est jamais terminé. En France, les salaires des femmes sont en moyenne inférieurs de 22% à ceux des hommes. La pension de retraite des femmes est en moyenne 40% inférieur à celle des hommes. Cette réforme des retraites proposée par le gouvernement actuel pénalisera d’abord les femmes” a-t-il revendiqué.
– Rendre hommage –
Rokhaya Diallo, journaliste, autrice et réalisatrice engagée contre le racisme et le sexisme est l’invitée d’honneur de cette semaine organisée par le Port. Elle avait à cœur de célébrer cette journée de “commémoration et d’investissement vers le futur” à La Réunion. ” La question des femmes c’est aussi la question de celles qui sont le moins visibles sur le plan national. Venir de Paris pour m’associer à des pionnières et qui ont œuvré pour davantage de droits à La Réunion et qui ont aussi eu une incidence au niveau national c’est vraiment une grande fierté” a expliqué la journaliste.
En se remémorant son parcours, elle est convaincue “qu’on ne se fait jamais tout seul”. “On s’émancipe avec la mémoire et les différentes solidarités et sororités. Des femmes peuvent demeurer totalement invisibles dans l’histoire alors qu’elles ont assisté en première loge à tous les phénomènes d’émancipation pendant la ségrégation, l’esclavagisme et le droit de vote. Il est important de rendre hommage à celles grâce à qui nous nous trouvons ici aujourd’hui” a-t-elle mis en avant.
Au-delà de ces inégalités, les femmes sont davantage touchées par les violences sexistes et sexuelles. Tous les trois jours en moyenne un homme tue une femme en France. Olivier Hoarau a précisé que La Réunion n’est pas épargnée. “Les violences sexuelles ont augmentée de 68% depuis 2018” a-t-il affirmé. Le rapport 2023 du haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a montré que les clichés sexistes sont encore fréquents chez les jeunes générations. Parmi les hommes entre 25 et 34 ans près d’un quart estiment “qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter”.
“Derrière tous ces chiffres nous prenons conscience des efforts qu’il reste à faire. Le premier levier d’action est la sensibilisation. Il faut faire connaitre au plus grand nombre les inégalités qui existent” a expliqué le maire du Port. C’est tout l’enjeu du programme de cette semaine des droits des femmes.
– Sensibiliser et éduquer la jeunesse –
Rokhaya Diallo tenait une table ronde ce mercredi pour sensibiliser à la prise de parole en public. “La question de l’investissement de l’espace public est fondamentale pour les femmes. C’est un lieu de débat et d’idées qui fait avancer les causes. Quand on y a un accès qui est restreint et freiné, il est difficile de rendre visible ces luttes qui nous sont chères. Malheureusement nous sommes beaucoup moins incitées à prendre la parole publiquement et s’imposer en tant que femme. Quand on le fait on prend le risque d’être interrompue, moins entendue voir même de subir un cyber-harcelement” a-t-elle déclaré.
Cette semaine se poursuivra avec plusieurs actions de sensibilisation dont une conférence d’engagement des femmes dans la vie publique, une table ronde autour des femmes et de la laïcité et également des échanges sur la condition de la femme artiste le 9 mars.
Le deuxième levier d’action évoqué par Olivier Hoarau est l’éducation de la jeunesse. “Il faut donner des modèles aux petites filles pour qu’elles sachent dès le plus jeune âge qu’elles peuvent accomplir tout ce qu’elles veulent” a-t-il exprimé.
C’est en ce sens que Rokhaya Diallo et Karima Khelifi danseuse-chorégraphe hip-hop ont été conviées à cette semaine autour de l’égalité.
– Devenir son propre modèle –
“Nous avons à cœur d’encourager toutes les femmes à investir des espaces qui n’ont pas été prévus pour elles. Ma trajectoire m’a vraiment poussée à l’introspection et à l’interrogation quant aux mécanismes qui m’ont permis de dépasser les pesanteurs sociales. J’ai envie de partager les apprentissages que j’en ai tiré” a exposé Rokhaya Diallo.
Pour Karima Khelifi, cette journée du 8 mars doit cesser. “Je n’aime pas du tout cette journée qui nous rappelle que nous n’avons toujours pas notre place dans cette société” a-t-elle développé.
“En tant que femme, j’ai une très grande fierté de venir d’un univers hip-hop qui ne perpétue pas les inégalités de salaires. C’est un univers considéré comme machiste qui est très masculin. On ne m’a pas donné de place. La faiblesse que j’ai eu c’est d’attendre alors qu’il faut savoir la prendre. Si il n’y a pas de chaise pour toi tu vas en chercher une. N’attendez pas qu’un homme se lève pour pouvoir vous assoir. Aucun homme ne m’a fermé la porte mais aucun ne me l’a tenu. L’homme a sa place dans le monde, prenons la nôtre. Je suis devenue mon propre modèle. Il est temps pour toutes de s’éveiller et être à son tour son propre modèle” a commenté la chorégraphe.
Le maire du Port a tenu à remercier les deux invitées pour leur engagement et leur partage. “Avec des parcours très différents elles ont prouvées de façon exemplaire que l’on pouvait être femme, noir, magrébine, descendante d’immigré, venir d’un quartier populaire et réussir. Elles sont à l’image de cette France au visage pluriel” a-t-il dit.
Rokhaya Diallo et Karima Khelifi portent toutes les deux ce même message d’espoir à l’intention des jeunes filles : “Vous pouvez réussir peu importe d’où vous venez prenez votre place dans ce monde, soyez fières d’où vous venez et d’où vous êtes”.
– Inégalités et racisme, une intersectionnalité des luttes –
“Le premier combat commence avec le racisme, arrive ensuite celui qu’on mène en tant que femme. Ces luttes nous rendent deux fois plus fortes. Avec Rokhaya nous faisons parti de ces combattantes. Je suis une fille de quartier avec des origines maghrébines et je le prône fièrement” révèle Karima Khelifi.
Rokhaya Diallo tient à rappeler qu’il y a aussi des hiérarchies chez les femmes à ne pas oublier.
La programmation complète de l’évènement ci-dessous :
Jeudi 9 mars 2023
10h-12h : Table-ronde « Femmes et laïcité »
Public : tout public sur inscription (reservation.culturel@ville-port.re)
Lieu : salle d’exposition de la médiathèque Benoîte Boulard
Contenu : sur la base du discours donné par Paul Vergès au Sénat le 2 mars 2004, le modérateur Franck Cellier proposera aux invités de cette table ronde d’échanger sur les notions de laïcité, de république et de citoyenneté par le prisme des femmes et leur rapport à ces valeurs à l’heure actuelle.
16h-18h : Echanges « La condition de la femme artiste »
Public : tout public sur inscription (reservation.culturel@ville-port.re)
Lieu : la Friche – Centre d’arts visuels
Contenu : ce moment d’échanges invite les femmes des diverses branches artistiques de La Réunion (arts visuels, photographie, danse, cinéma…) à venir parler des spécificités de leur vécu en tant que femme dans des milieux où elles rencontrent très souvent des obstacles intrinsèquement liés au genre.
Vendredi 10 mars 2023
10h-12h : Projection du film « Les Marches de la liberté » de Rokhaya Diallo
Public : élèves de lycées et écoles supérieures du Port
Lieu : cinéma Casino
Contenu : cette projection du film « Les Marches de la liberté » (2013) de Rokhaya Diallo invite les élèves et étudiants du Port à venir débattre avec la réalisatrice autour des problématiques de justice sociale et des luttes pour les droits civiques en France et aux Etats-Unis. Cet échange sera modéré par la réalisatrice et professeure du lycée Jean Hinglo, Aurélie Filain.