Le nombre de cas a triplé : Leptospirose : appel à la prudence pour que la baignade en eau douce ne vire pas au cauchemar
Depuis le début de l’année à La Réunion, le nombre de personnes touchées par la leptospirose – maladie transmise par les rats – ne cesse d’augmenter. Santé publique France évoquant une épidémie "d’ampleur plus élevée que les deux dernières années". Par rapport à la même période en 2023, plus du triple des cas ont été déclarés à l’Agence régionale de santé (ARS). Si les travailleurs extérieurs sont particulièrement exposés, d’autres personnes qui ne pensent qu’à se rafraîchir, ne savent pas qu’ils sont également exposés à cette maladie. Et pourtant. De plus en plus de baigneurs en eau douce contractent la leptospirose (Photo : sly/www.imazpress.com)
Avec le passage de Belal, de Candice et les épisodes pluvieux-orageux qui se sont abattus sur La Réunion, "les conditions climatiques sont favorables à la persistance de la bactérie dans l'eau et les milieux humides", indique Santé publique France.
Les victimes – majoritairement des hommes vivants pour 66% dans le sud de l'île - pratiquaient des activités extérieures. Soit pour le travail (agriculture, zones humides, élagage), soit pour entretenir le jardin ou à la pratique du sport en eau douce.
"Cette maladie infectieuse touche plusieurs populations et notamment ceux qui travaillent dans les jardins, qui manipulent les flaques d'eau, l'eau stagnante, les agriculteurs", explique le Docteur Benjamin Dusang, président du Conseil de l'ordre des médecins de La Réunion.
Depuis le 1er janvier 2024, 70 cas de leptospirose confirmés biologiquement ont été déclarés à l’ARS, soit trois fois plus de cas déclarés que les années précédente à la même période (23 cas en 2023 et 20 en 2022).
Pour rappel, à La Réunion en moyenne de 1 à 3 décès par an sont liés à la leptospirose.
En complément, avec 39 passages dont 25 hospitalisations pour suspicion de leptospirose, l’activité des services d’urgences était deux fois plus élevée que pour la même période de 2023 (19 passages dont 12 hospitalisations) et 2022 (16 passages dont 11 hospitalisations).
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La raison de cette présence de rats si élevée : les fortes pluies. Le mois de janvier à La Réunion fut particulièrement pluvieux, notamment dans le sud de l'île.
En moyenne sur le département, avec une pluviométrie d’environ 2,5 fois la normale et un cumul moyen insulaire dépassant tout juste 1000 mm, janvier 2024 se place au 3e rang des mois de janvier les plus pluvieux en plus de 50 ans de mesures selon Météo France.
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- Prudence avant une baignade -
Outre les agriculteurs et les personnes qui travaillent dans les jardins, d'autres profils de personnes sont touchés.
Pour se rafraîchir certains profitent d’un bain de mer, d’autres d’un bain d’eau douce. Mais il faut rester prudent, car certains trous d’eau peuvent être contaminés par la leptospirose, une maladie bactérienne transmise par l’urine de rat.
"La leptospirose attaque les baigneurs dans les bassins, dans les rivières", s'inquiète le Docteur Benjamin Dusang, alors que La Réunion est en pleine période de vacances scolaires où, nombreux sont les Réunionnais qui viennent s'y rafraîchir.
C'est d'ailleurs pour cela que les médecins et l'Agence régionale de santé préconisent de se baigner dans des bassins et rivières dont les tests sur la qualité de l'eau ont été faits.
"Une fois que les services de l'ARS indiquent que l'eau est de bonne qualité dans le bassin on peut y aller", indique le médecin. "Après si on se baigne dans des bassins moins connus des touristes, on invite à la plus grande prudence", ajoute-t-il. "Ce n'est pas une bonne période pour aller se tremper les pieds dans une eau pas contrôlée."
Parmi les hommes touchés, les jeunes sont principalement exposés dans les bassins. Les plus âgés sont eux davantage des personnes dont l'exposition est professionnelle.
- Un vaccin coûteux mais pas nécessaire à tous -
Le député de La Réunion, Jean-Hugues Ratenon a, le 21 février dernier, interpellé Catherine Vautrin, la ministre de la Santé à propos d'un vaccin contre la leptospirose. "Le seul remède pour limiter ses conséquences c’est le vaccin, le spirolept. Mais Madame la Ministre c’est un vaccin non remboursé. Il coûte 170 euros", a-t-il déclaré dans son courrier..
"Or, le protocole du vaccin contre la leptospirose prévoit : Primo-vaccination : deux injections à 15 jours d'intervalle. Rappel de la vaccination : 4 à 6 mois plus tard, puis tous les 2 ans si l'exposition persiste. Un coût total de 510 euros pour les 6 premiers mois."
"Aussi, Madame la Ministre, je souhaite, en premier lieu, que vous agissiez en urgence pour rendre ce vaccin remboursable et permettre ainsi à toute personne de se protéger. C’est une question de santé publique", a-t-il poursuivi.
Ce vaccin est-il efficace, nécessaire ? "La vaccination doit être orientée par le médecin qui va apprécier si le patient fait partie de la population à risque (agriculteurs, personnes qui travaillent dans l'eau, les éboueurs…)", répond à Imaz Press le Docteur Dusang.
- Des "séquelles à vie pour les patients" -
La leptospirose est un agent infectieux qui pénètre la peau irritée ou lésée avec des plaies.
La maladie se développe quelques jours seulement après l'exposition. "Cela commence par une fièvre de cheval, des maux de tête, des douleurs musculaires et une fatigue intense", explique le président du Conseil de l'ordre des médecins de La Réunion.
Une pathologie qui "génère une réaction de l'organisme qui peut donner lieu à une insuffisance rénale, entrainer une destruction des plaquettes et créer un dysfonctionnement des globules rouges".
En cas de symptômes :
• Consulter rapidement son médecin
• L’informer des activités à risque pratiquées dans les 3 semaines précédant le début des signes
"Il y a des organismes qui ont une réponse immunitaire adaptée et d'autres qui, comme leur immunité est trop faible, font des formes plus sévères", explique le Docteur Benjamin Dusang. Dans ce cas, "les personnes auront besoin d'être dialysées, d'avoir des prises de sang fréquentes".
Des patients qui, même après leur rétablissement, gardent des séquelles à vie. "On pense que le rein se répare mais c'est une fausse impression", note le professionnel de santé. "La leptospirose ne laisse pas le rein intact. Il n'est plus à 100% de sa fonction."
- Appel à la vigilance -
Le meilleur moyen de lutter contre la leptospirose reste la prévention. Les activités de jardinage à domicile ou de loisirs en eau douce, après de fortes pluies, sont donc particulièrement à risque. Les agriculteurs et éleveurs sont aussi exposés du fait de leur activité professionnelle.
Appliquer des mesures de protection individuelle
• Porter des équipements de protections adaptés (gants, bottes ou chaussures fermées, lunettes…) pour jardiner, ramasser des déchets, déplacer des encombrants ou réaliser l’élevage « la kour »
• Ne pas marcher pieds nus, ou en savates, pour les activités en environnement humide ou boueux au domicile ou en extérieur (sol boueux, dans les flaques, eaux stagnantes, ravines)
• Protéger ses plaies du contact avec l’eau (pansements étanches), les laver à l’eau potable et les désinfecter le plus tôt possible après l’exposition
• Pour les agriculteurs et les éleveurs, une vigilance sur le port des équipements de protection individuelle est requise. Un lavage régulier des mains est recommandé.
Lutter contre les rats
• Entretenir régulièrement sa cour (absence d’encombrants ou de déchets propices à la prolifération des rats…)
• Ramasser et éliminer ses déchets régulièrement dans les filières adaptées pour éviter d’attirer les rats
• Bien fermer ses poubelles
• Éliminer toutes les sources d’alimentation pour les rongeurs, y compris les restes d’alimentation des animaux de compagnie
• En cas d’élevage de volaille à domicile, s’assurer que les aliments destinés à ces animaux ne sont pas accessibles aux rongeurs (aliments conditionnés dans des bidons étanches, restes d’aliments enlevés, clôture à maille fine pour prévenir toute intrusion dans le poulailler).
Respecter les interdictions de baignade dans les lieux signalés à risque
En cas d’eau trouble, il est recommandé de reporter les activités de loisirs en eau douce.
Ces mesures de prévention doivent être appliquées tout particulièrement après des périodes de fortes pluies car le risque de contact avec des milieux humides contaminés est alors plus important.
ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com