Dans un rapport alarmant : L’Unicef lance l’alerte : à La Réunion, la moitié des enfants sont pauvres
Ce lundi 20 novembre 2023 – journée mondiale des droits de l’enfant, l’Unicef France a publié un rapport intitulé "Grandir dans les Outre-mer : état des lieux des droits de l’enfant". Dans ce rapport alarmant, mettant en avant l’écart entre l’Hexagone et La Réunion, il est évoqué que la moitié des enfants sont pauvres (46%). Face à ce constat, l’Unicef appelle les pouvoirs publics à des actions ambitieuses pour garantir de manière égale les droits de chaque enfant sur l’ensemble du territoire français (Photo : www.imazpress.com)
Alors qu’elles rassemblent seulement 3 % de la population nationale, les collectivités et territoires d'Outre-mer abritent 24 % des personnes concernées par une situation de grande pauvreté.
À La Réunion, les enfants sont particulièrement touchés par la pauvreté puisque 46 % d’entre eux vivent dans un ménage pauvre, cela concernerait 110.500 enfants.
Ce chiffre s’élève à 6 enfants sur 10 en Guyane et 8 sur 10 à Mayotte, tandis qu’il s’élève à 2 sur 10 dans l’Hexagone.
De la pauvreté monétaire (1) découle la pauvreté en condition de vie, trois à cinq fois plus présente dans les CTOM que dans l’Hexagone.
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- Encore des écarts entre l'Hexagone et les Outre-mer -
Cumulées, ces difficultés entraînent des répercussions concrètes sur les enfants, en termes de suivi de santé, de suivi de la scolarité et de réussite scolaire ou encore d’accès à des services de protection.
"Derrière la richesse des paysages et de la biodiversité, la pauvreté infantile entraîne des conséquences désastreuses sur les conditions de vie et le bien-être des enfants, notamment en termes de suivi de santé, de réussite scolaire ou d’accès à des services de protection. Conjuguée à un éloignement ou à des difficultés d’accès aux biens et services essentiels, cette situation nuit gravement à l’effectivité des droits de l’enfant", indique l'Unicef dans son rapport.
Les conséquences de cette pauvreté endémique sur la santé infantile s’entremêlent à des facteurs environnementaux aggravants – tels que la crise de l’eau qui sévit dans plusieurs territoires notamment à Mayotte Le taux de mortalité atteignant par exemple 8,9 % dans l'île sœur alors qu’il se situe à 3,7 %0 dans l’Hexagone.
À La Réunion, ce taux de mortalité infantile s'élève à 6,7%. contre 3,7 % dans l'Hexagone.
Les problématiques des grossesses précoces, de la prise en charge des troubles psychiques ou des maladies d’origine hydrique y sont également exacerbées. En Guyane, 4 jeunes filles sur 10 ont eu leur premier enfant avant leur majorité. Pourtant, 80 % des grossesses survenues avant 20 ans sont non-désirées.
Concernant la santé mentale, plus d’un tiers des jeunes Mahorais et Guyanais déclarent souffrir de troubles psychiques ou psychiatriques contre 20 % dans l’Hexagone. Enfin, de nombreuses personnes ne disposent pas d’un accès à l’eau courante à domicile ou sont amenées à consommer une eau impropre ; accentuant les risques d’épidémies et de maladies hydriques, oro-fécales et vectorielles, particulièrement chez les enfants.
- L'accès à l'éducation fortement inégalitaire -
Concernant l’accès à l’éducation, les collectivités et territoires d'Outre-mer abritent 6 % de la population française en âge scolaire.
Par ailleurs, la question de la langue d’enseignement, inadaptée aux élèves allophones, entraîne des répercussions directes sur les compétences et la réussite scolaire des jeunes. En Guadeloupe, à la Réunion et en Martinique, près de 30 % des élèves présentent des difficultés de lecture et ils sont plus de 50 % en Guyane et à Mayotte contre seulement 12 % des garçons et 9,1 % des filles au niveau national.
Les difficultés en lecture des jeunes vivant dans les territoires d’Outre-mer sont nettement plus élevées que la moyenne nationale. En 2022, celles-ci ont concerné 30,4 % des jeunes de la Guadeloupe, 28,9 % de la Martinique, 26 % de La Réunion, 51,8 % de Guyane et 55,7 % de Mayotte (contre 12, % des garçons et 9,1 % des filles au niveau national.
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- Des violences intrafamiliales plus récurrentes -
La grande précarité économique, la promiscuité dans les logements, les taux d’addictions élevés et la persistance, dans certaines familles, d’un modèle éducatif où demeurent des violences éducatives ordinaires, expliquent la prévalence des violences intrafamiliales dans les CTOM et les DROM où ce taux s’élève à respectivement 6,5 %0 et 4 %0 tandis qu’il se situe à 2,7 %0 dans l’Hexagone ; des données probablement sous-estimées en raison d’un plus faible recours au signalement des situations préoccupantes. Les violences sexuelles et sexistes y sont également exacerbées.
"Malheureusement, les dispositifs de protection de l’enfance peinent à accomplir leur mission, faute de moyens suffisants", indique l'Unicef.
Pour les enfants d’origine étrangère ou en situation de migration - et bien qu’ils devraient bénéficier de mesures de protection spéciales - les régimes dérogatoires appliqués dans les CTOM sont souvent discriminatoires et les rendent particulièrement sujets aux violations de leurs droits. Par ailleurs, et malgré plusieurs condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), la France continue d‘avoir recours à l’enfermement administratif des familles avec enfants ainsi que des mineurs isolés dans la mise en œuvre de sa politique migratoire. Cette dérogation à la loi est particulièrement courante à Mayotte : en 2021, sur les 3.211 enfants enfermés en rétention en France, 3.135 l’ont été au centre de rétention de Mayotte.
Selon l’enquête VIRAGE publiée en 2020 par l’Institut national d’études démographique (INED), en Guadeloupe et en Martinique,
près d’1 fille sur 10 a subi des violences sexuelles. À La Réunion, entre 2014 et 2018, les faits de violences sur mineurs ont augmenté de 62 % dont 43 % de violences sexuelles.
La Polynésie française semble être l’un des territoires les plus affectés par les vio- lences intrafamiliales. En effet, une étude s’appuyant sur les chiffres de la gendarmerie nationale rapportait que sur l’ensemble des atteintes aux personnes, 70 % concernaient des violences intrafamiliales.
À Mayotte, l’enquête Wamitoo menée par le collectif CIDE, révèle que 37 % des 544 répondants ont été victimes d’agression sexuelle, un taux qui représente quasiment le double de celui de l’ensemble du territoire national. Les associations estiment que 68. 000 enfants sont des victimes potentielles de violences sexuelles à Mayotte dont 30.000 dans la sphère familiale.
Violences sexuelles sur des enfants : une situation "catastrophique" à La Réunion
- Des problèmes d'accès à l'eau et au logement -
Les situations de mal-logement, marqueurs de pauvreté, sont particulièrement révélatrices : on dénombre 50.000 logements indignes à La Réunion et Mayotte, près de 30.000 logements indignes en Guadeloupe, 10.000 en Polynésie française, près de 25.000 en Nouvelle-Calédonie pour un total de 600.000 personnes (soit 3 habitants sur 10) mal-logées dans les collectivités territoriales d’Outre-mer.
Certaines CTOM connaissent des probléma- tiques majeures d’accès à l’eau et à l’assainis- sement. L’eau y est régulièrement peu ou pas accessible, polluée et chère, avec des ruptures régulières du service public d’eau. 21,6 % de la population totale ultramarine vit sans eau chaude dans le logement.
À La Réunion, 46 % des personnes raccordées au réseau ne disposent pas d’une qualité suffisante en eau potable.
À Mayotte, environ 30 % de la population n’a pas accès à l’eau courante à domicile en temps normal. Le département connaît par ailleurs en 2023 une crise de l’eau majeure, conséquence de la sécheresse, avec des restrictions d’eau drastiques, exposant les enfants à des risques sanitaires accrus.
En Guyane, 15 % de la population (soit 30.000 personnes) sont concernées par cette absence d’accès à l’eau potable.
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- Une prise de conscience est nécessaire -
Le constat d’un écart entre l’Hexagone et les CTOM est frappant et il est urgent d’agir. Dans cette optique, l’Unicef France conclut ce rapport par une série de recommandations politiques fortes à destination des pouvoirs publics locaux et nationaux afin que des pistes d’actions concrètes pour une meilleure prise en compte des besoins et une meilleure effectivité des droits des enfants dans ces collectivités puissent voir le jour.
"Ces inégalités au sein du territoire français sont alarmantes. Les pouvoirs publics se doivent de garantir un égal accès aux droits de tous les enfants sur le territoire, indépendamment de leur lieu de résidence. Agir pour l’effectivité des droits de l’enfant n’est pas seulement un moyen de construire une société plus juste aujourd’hui, mais un investissement pour construire nos sociétés de demain", déclare Adeline Hazan, présidente de l’Unicef France.
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