Réunion par Imaz Press, jeudi 20 juin 2024 à 15:01

D’importants problèmes d’accessibilité : Législatives : le parcours du combattant des mal-voyants pour aller voter

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Dimanche 30 et dimanche 7 juillet 2024, auront lieu les élections législatives. Choisir les différents bulletins disposés sur la table, entrer dans l’isoloir, glisser le papier dans l’enveloppe, le déposer dans l’urne… Cette tâche parait totalement anodine pour certains mais pour les personnes déficientes visuelles, c’est un véritable parcours du combattant. Si certains trouvent des stratagèmes pour pallier leurs difficultés, une fois dans l’isoloir, la loi dit que le votant doit être seul. Une organisation parfois complexe est nécessaire pour que ces personnes accomplissent leur devoir de citoyen, jusqu’à en décourager certains (Photo : rb/www.imazpress.com)

Nicolas M'Tima est aveugle de naissance. Il réside à La Montagne (Saint-Denis). S'il sait que le code électoral l’autorise à être accompagné par une personne de son choix, il sait aussi qu’il existe peu ou pas de programmes, ni de bulletins en braille. Il sait enfin que ce dimanche 30 juin, il ira voter. Il explique à Imaz Press comment on vote "à l’aveugle" pour accomplir son devoir de citoyen.

"Je vais toujours voter mais pour m'aider j'utilise plusieurs méthodes. Soit je demande à ma compagne pour lire tel ou tel papier et on tombe d'accord sur le candidat ou la liste pour faire avancer La Réunion, sinon j'utilise le téléphone", explique-t-il.

-  Écouter, être connecté... pour "voir" -

Voter pour lui, rime donc avec ultra connecté.

"L'application Seeing Eye me permet de lire les professions de foi ou les bulletins de vote. Après celui que je choisis je le mets dans ma poche et quand j'arrive au bureau de vote, je prends d'autres bulletins mais c'est celui dans ma poche que je mets dans l'enveloppe", explique Nicolas M'Tima.

Même façon de procéder pour Jean-Philippe Sevagamy, non-voyant suite à un décollement de la rétine.  Seule solution pour lui de voter librement.

"Nous on a l'Iphone, on est moderne. Quand les bulletins arrivent dans la boîte aux lettres ce que je fais c'est que j'attends que ma famille ne soit pas là pour ouvrir. Parce que mon vote est libre et je ne veux pas que quelqu'un sache pour qui je vais voter", dit-il.

"Quand je suis seul, je prends les professions de foi et avec l'application Be my eyes ou en vision (application pour lire le courrier) je pose le téléphone dessus, ça fait la photo, ça scanne et lit le programme pour moi."

À l'instar de Nicolas M'Tima, "quand j'ai fait mon choix, je prends le pli, je le mets dans un coin jusqu'au jour des élections, et le jour même, pas besoin de prendre 15 feuilles. Je prends ce qu'il me faut et je vais faire ce qu'il faut faire".

Mais ce que déplore fortement Jean-Philippe Sevagamy, c'est que "c'est dommage qu'il n'y ait pas sur la table de bulletins en braille".

- Pas de braille, pas d'accessibilité et donc des difficulté à aller voter -

Malheureusement, tout le monde n'a pas la chance d'être équipé en informatique.

Pour certains mal-voyants, il existe "des loupes électroniques pour lire ou des télés agrandisseurs sur lesquels on pose la feuille et ça grossit les caractères", explique Jean-Philippe Sevagamy. Il existe encore "des liseuses avec aide vocale", ajoute-t-il.

Mais tous n'en sont pas équipés. "Sans ces appareils, plusieurs personnes ne vont pas voter car il n'y a pas de bulletins en braille."

Certes on peut se faire aider mais dans ce cas ce n'est plus une liberté que de voter."

Jean-Philippe Sevagamy trouve cela aberrant. "Imaginez une personne qui n'a pas de téléphone équipé, forcément elle va demander à quelqu'un de lire les professions de foi mais qu'est-ce qui lui assure que la personne ne votera pas pour un candidat autre que celui choisit par la personne malvoyante."

Car en effet, au moment du vote, il faut avoir assez confiance en la personne à qui l’on donne la procuration.

Pour rappel, le vote est secret. Les personnes ayant des déficiences visuelles n’ont pas forcément envie de partager leur candidat avec des personnes tierces.

Pour Nicolas M'Tima, "il faudrait davantage inciter à mettre en place le vote électronique" ou alors "envoyer les professions de foi avec des CD comme ça les personnes malvoyantes peuvent entendre ce qui est écrit".

"Aujourd'hui le vote c'est un droit, c'est une liberté. On est comme tout le monde", scande Jean-Philippe Sevagamy.

- Des mal-voyants qui aimeraient voter "comme tout le monde" -

Si ces personnes porteuses de handicap sont équipées pour certaines pour lire les bulletins et pouvoir faire leur choix librement, elles doivent tout de même être accompagnées pour accéder à l'isoloir et au bureau de vote.

"Quand j'arrive dans le bureau je montre ma carte d'invalidité", explique Jean-Philippe Sevagamy. "Et de toute façon avec ma canne blanche les gens comprennent rapidement que je suis aveugle et alors là un proche ou un membre de ma famille m'accompagne vers l'isoloir puis à la sortie pour m'emmener signer."

Des moyens listés dans une loi de 2005 où il est indiqué que "les personnes handicapées, comme tout citoyen, peuvent voter en toute autonomie dans les bureaux. Aux communes de faciliter l'accès aux lieux et les techniques de vote", que cela soit pour l'isoloir, l'urne ou encore la distinction des bulletins de vote.

"Les personnes aveugles ou malvoyantes sont accompagnées par une personne de leur choix qui, les guide, sélectionne à leur demande des bulletins et les accompagnent dans l’isoloir pour mettre dans l’enveloppe, le bulletin qu’ils ont choisi Nous leur indiquons la case dans laquelle ils doivent signer la feuille d’émargement après avoir voté sous contrôle de l’accompagnant et de l’assesseur", explique la commune de Saint-Pierre.

"L'administration garantit l'exercice effectif du droit de vote aux personnes en situation de handicap. Les personnes dans l'impossibilité d'introduire leur bulletin dans l'enveloppe et de glisser celle-ci dans l'urne peuvent avoir besoin de se faire aider physiquement afin d'accomplir leur devoir électoral", ajoute la préfecture.

"L'article L.64 du code électoral leur permet ainsi de se faire assister par un électeur de leur choix. Ce dernier n'est pas nécessairement inscrit dans le même bureau de vote, ni dans la même commune."

L'électeur accompagnateur peut entrer dans l'isoloir. Il peut également introduire l'enveloppe dans l'urne à la place de l'électeur qu'il accompagne. Si l'électeur ne peut signer lui-même la liste d'émargement, son accompagnateur peut signer à sa place avec la mention manuscrite suivante : "l'électeur ne peut signer lui-même".

Si les communes sont averties, aux candidats aussi de rendre accessible aux personnes porteuses notamment d'une déficience visuelle, de rendre leurs professions de foi et leurs bulletins accessibles… Mais sur ce point encore, la prise de conscience et la priorité n'est pas forcément d'imprimer des bulletins en braille.

Selon Nicolas M'Tima, "la loi n'a jamais été vraiment appliquée". "Elle veut tout faire pour rendre accessible le vote aux personnes handicapées mais on régresse plutôt que de l'appliquer", dénonce-t-il.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

mots clés de l'article : Législatives 2024

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