Citrons, mandarines, tangors : Importation massive et surproduction mettent les agrumes péi au tapis

Citrons, mandarines, tangors… À La Réunion, la filière agrumes compte plus de 230 producteurs répartis sur 400 hectares. Mais alors que la saison bat son plein, les producteurs eux, croulent sous les tonnes de fruits, n’arrivant pas ou peu à les vendre. Parmi les raisons évoquées, une production simultanée pour tous les agriculteurs sur une saisonnalité courte (juillet-août et début septembre) et surtout l’importation, un gros souci pour les producteurs (Photo : rb/www.imazpress.com)
Si dans les bas de l'île la culture des agrumes est presque déjà à son terme, dans les hauts, les cultures sont pleines. "Tous les vergers des hauts sont en pleine production et donc tout le monde a les agrumes en même temps", nous explique Thomas Hayot du Domaine de la source positive situé à Piton des Goyaves à Petite-Île.
Pour Danylo Taïlamé, agriculteur et président de l'association des producteurs et fermiers du Grand Sud situé à la Cafrine (Saint-Pierre), la surproduction est notamment due à la période. "On a des producteurs d'agrumes dans l'association qui ont une grosse production en ce moment", nous dit-il. "Un agriculteur à la Plaine des Grègues (Saint-Joseph) avec 5 tonnes de tangors, un agriculteur avec 4 tonnes à Petite-Île, un autre sur Piton Goyaves (Petite-Ile) avec 4 à 5 tonnes de citrons", donne-t-il en exemple.
"Dans les Hauts, avec le froid, les agrumes murissent tous en même temps", nous explique l'agriculteur. Ce que nous confirme Frédéric Vienne, président de la Chambre d'agriculture. "Il y a moins de vergers dans les bas suite à un virus qui a décimé les cultures et donc la production se concentre aux vergers des hauts et comme tout est à la même altitude, tout mûri en même temps", nous explique-t-il.
Une surproduction qui peut s'expliquer par la période de vacances scolaires, plus calme sur les marchés et dans les collectivités. "Les gens voyagent et donc il y a moins de monde sur les marchés", indique Danylo Taïlamé.
La production estimée pour cette année est d'environ 2.500 tonnes, selon les derniers chiffres de la Chambre d'Agriculture, mais à noter que la sécheresse en fin d'année 2022 a pu avoir un impact sur les rendements. La consommation annuelle d'agrumes à La Réunion est d'environ 11.000 tonnes. La Réunion couvre donc seulement 30% des besoins.
- L'importation met à mal les agrumes péi -
Selon Luguy Yebo, agriculteur des hauts de Petite-Île, "on ne peut pas parler vraiment du surproduction". "Est-ce qu'on peut appeler cela de la surproduction, parce que s'il y avait moins d'importation il y aurait plus à écouler, c'est là le vrai problème", note l'agriculteur. Un problème qui ne fait que croître d'année en année. Pour lui, "l'importation tue le système".
Un mal qui impacte fortement l'activité des agriculteurs. "On essaye de faire comme on peut. Mais la plupart du temps la production nous reste sur les bras", dit-il. En exemple, Luguy Yebo nous indique qu'une année, c'est plus de 20 tonnes de citrons qu'il n'avait pas pu écouler. "Travailler toute l'année et arriver par se dire comment on va vendre les produits, c'est difficile", déclare le producteur.
Et selon lui, cela n'est pas la faute des consommateurs "car il y a de la demande", le gros souci ce sont les grandes surfaces qui ne jouent pas le jeu de mettre les produits locaux en avant".
Un avis qu'approuve Danylo Taïlamé. "Il y a une bataille avec les collectivités pour mettre en place des produits locaux dans les cantines." "Il y a trop de produits importés alors qu'ici on en produit", lance-t-il. Il précise, "depuis l'année dernière la loi oblige un pourcentage de produits locaux et certaines communes jouent le jeu".
Un constat partagé par Frédéric Vienne. "Il faut qu'à la rentrée, les collectivités jouent le jeu et proposent des agrumes péi au lieu des agrumes importés."
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- Du producteur au consommateur -
Afin d'écouler les stocks et ne pas laisser de fruits gâter aux champs, l'association des producteurs et fermiers du Grand Sud permet aux producteurs de vendre leurs produits sur les marchés. "À chaque marché de producteurs on met des produits en appel, c'est-à-dire qu'on vend les tangors ou les citrons à un euro le kilo" note l'assocation.
Elle permet également aux agriculteurs de livrer des fruits à la banque alimentaire. "Au lieu de donner 450 kilos on donne 800 kilos pour permettre aux producteurs de liquider leur production", déclare Danylo Taïlamé.
Autre opération qui séduit les Réunionnais, la cueillette directement au champ. "On fait des journées où les gens viennent sur l'exploitation et cueillent eux-mêmes", indique Danylo Taïlamé.
Une opération que réalise également l'exploitation de Luguy Yebo à Petite-Île. "Cela permet d'écouler un peu et heureusement", confie le producteur de la société Agrumes Péi.
L'association dont Danylo Taïlamé est le président, permet aussi aux producteurs de transformer leurs produits grâce à un laboratoire situé à Mont-Vert les bas. "On le fait car dans les coopératives il faut un produit calibré et généralement 50% des fruits non calibrés restent au champ."
"Dans notre laboratoire de transformation on permet aux adhérents de transformer leur surproduction en jus, en purée, ou encore en pulpe," dit-il. "Cela permet d'éviter le gaspillage."
La commune du Tampon quant à elle, va faire la fête des agrumes Réunion ce week-end du 12 et 13 août au parc Jean de Cambiaire.
"Dans le contexte économique actuel où les producteurs ont souffert ces dernières années des aléas climatiques, les producteurs du Tampon ont du mal à écouler leurs productions dans les meilleures conditions" indique la mairie tamponnaise dans un communiqué.
"En l’état actuel des informations dont dispose la commune, plus de 50 tonnes d’agrumes risqueraient d’être jetés faute de circuits de distributions suffisants, générant ainsi un gaspillage alimentaire important, sans compter les pertes financières pour les professionnels de la filière" dit-elle encore.
"Attentive aux difficultés de la filière et face à la nécessité d’écouler au plus vite la production d’agrumes des producteurs du territoire, la commune du Tampon souhaite apporter son soutien et mettre en place un évènement pour permettre l’écoulement des diverses variétés d’agrumes avec une vente directe du producteur au consommateur à des prix attractifs", termine le communiqué.
Une "très bonne chose" pour Thomas Hayot du Domaine de la source positive situé à Piton des Goyaves à Petite-Île. "Il faut faire connaître les produits et les valoriser."
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