Bruits routiers, eau potable, inondation... : À La Réunion, l’exposition aux risques et nuisances est la même quel que soit le niveau de vie
D’après une étude de l’Insee, les Réunionnais sont sujets à de nombreuses nuisances et de nombreux risques, et ce quel que soit leur niveau de vie. Les bruits routiers gênent en effet 16 % de la population, tandis que l’eau potable est fréquemment de mauvaise qualité pour 5 % de la population. Les risques d’inondation concernent un habitant sur dix, et les mouvements de terrain menacent 7 % de la population. Et les populations pauvres ne résident pas davantage que les populations plus aisées dans les zones d’exposition à ces risques et nuisances. Nous publions l’étude complète de, l’Insee ci-dessous (Photo d’illustration rb/www.imazpress.com)
- Le bruit routier gêne 16 % de la population, surtout dans les Bas -
En 2020, 140 000 personnes, soit 16 % de la population réunionnaise, sont exposées à un bruit du réseau routier principal supérieur
à 55 décibels.
Les effets nuisibles du bruit peuvent aller de la forte gêne à une dégradation de la santé. Mesurée selon un niveau sonore et une durée d’exposition élevés, cette nuisance touche les populations résidant près des principaux axes : routes nationales principales et routes départementales traversant les centre-villes. Les zones urbaines et les « Bas », particulièrement denses, sont les plus concernés : 24 % de la population des Bas de l’île est exposée à ces nuisances, soit six fois plus que celle des « Hauts » (4 %).
Les personnes en situation de pauvreté monétaire ne résident pas plus souvent dans ces zones bruyantes que d’autres
populations, mais disposent de moins de ressources pour pouvoir s’en protéger. Les nuisances sonores générées par le bruit routier peuvent être davantage ressenties dans les logements non équipés de climatisation, qui ne peuvent se rafraîchir que par une ventilation naturelle avec portes et fenêtres ouvertes.
Les transports terrestres ne sont pas les seuls qui peuvent générer des nuisances sonores. Ainsi, les bruits (supérieurs à 55 décibels) d’atterrissage mais surtout de décollage de l’aéroport Roland Garros impactent une grande partie des 10 000 personnes vivant au centre-ville de Sainte-Marie, ainsi que quatre écoles et une maison de retraite. Le plan d’exposition au bruit de l’aéroport vise à prévenir et limiter l’exposition de la population à ces nuisances sonores.
L’aéroport de Pierrefonds génère des nuisances sonores limitées aux salariés travaillant à proximité, en raison de son isolement, de l’orientation de ses pistes, et de sa moindre fréquentation.
Dans les secteurs marchands non agricoles, 7 000 salariés sont exposés au bruit aérien et 57 000 au bruit routier.
- 5 % de la population fréquemment confrontée à une eau potable de mauvaise qualité -
Pour 40 000 personnes, soit 5 % de la population, l’eau potable distribuée est souvent impropre à la consommation, ce qui peut avoir un impact direct sur leur santé. Les réseaux alimentant leur logement ne garantissent pas une sécurité sanitaire suffisante du fait de l’absence de traitement adapté.
Cette nuisance régulière concerne notamment 28 % de la population de la Cirest, plus particulièrement les zones dans les Bas de Saint-Benoît et de Bras-Panon, à Mi-pentes à Bras des Chevrettes, à Saint-André et à La-Plaine-des-Palmistes ainsi que dans les Hauts de Sainte-Marie à l’Espérance et à Cilaos.
Parmi les 28 écoles potentiellement exposées à une qualité de l’eau dégradée, 25 sont dans l’est de l’île, ainsi que les deux maisons de retraite.
L’hôpital de Saint-Benoît n’est pas dans une zone exposée.
De plus, 7 000 personnes ne sont pas reliées aux réseaux de distribution d’eau potable, à Mafate par exemple.
En cas de fortes pluies, apparaissent aussi des dégradations ponctuelles mais récurrentes de la qualité de l’eau, qui affectent la moitié des habitants de l’île.
En effet, leurs logements sont alimentés en eau potable par des captages d’eau superficielle en ravines ou en rivières, dont les infrastructures de traitement ne sont pas adaptées pour traiter de l’eau trouble en grande quantité. Cela concerne potentiellement jusqu’à 9 habitants sur 10 dans le sud de l’île (Civis et Casud) et la quasi-totalité des habitants de Bras-Panon et de Saint-Benoît dans l’est.
Le plan eau DOM a été mis en place en 2016 et vise à améliorer la qualité de l’eau.
Les populations pauvres ne sont pas plus touchées que les populations plus aisées par ces problématiques de qualité de l’eau. Cependant, comme pour les nuisances sonores, elles ont moins de ressources pour s’en prémunir.
- 11 % de la population exposée à un risque d’inondation -
D’après les zones définies réglementairement par les plans de prévention des risques naturels, les inondations menacent une personne sur dix à La Réunion, soit 98 000 personnes.
Celles vivant dans l’est de l’île sont particulièrement concernées : plus de quatre sur dix y sont exposées. En effet, à Saint-André, toutes les habitations localisées dans les Bas, densément peuplés, de La Grande Rivière Saint-Jean à la rivière du Mât, de la ville jusqu’à l’océan, peuvent être affectées par des débordements de ravines ou de rivières en cas de fortes pluies.
Dans cette commune, neuf habitants sur dix sont ainsi exposés à un risque d’inondation.
Parmi les 65 écoles et les deux maisons de retraite menacées, la moitié se trouvent à Saint-André. En revanche, sur leur lieu de travail, seuls 5 % des salariés des secteurs marchands non agricoles sont exposés, soit 21 000 personnes, et répartis de façon homogène sur l’île.
Les risques d’inondation jugés forts, pendant lesquels les déplacements sont quasi impossibles et qui génèrent souvent des dégâts matériels importants sur les bâtiments, sont beaucoup moins fréquents : 1 % de la population est concernée, soit 12 000 personnes.
Quel que soit le niveau de risque, les populations pauvres ne sont pas plus exposées que les autres aux inondations.
- 7 % de la population exposée à des mouvements de terrain, plutôt dans les Hauts -
Chutes de blocs, éboulements, glissements de terrain, coulées de boue, érosion et ravinement sont fréquents à La Réunion et sont amplifiés en cas d’épisodes pluvieux ou cycloniques. Ces risques couvrent près de 60 % de la surface de l’île. Ils sont susceptibles d’affecter les habitations de 7 % de la population, soit 56 000 personnes, localisées notamment dans les zones peu denses et dans les Hauts. La population des Hauts est ainsi quatre fois plus concernée : 17 % contre 4 % ailleurs.
Les populations précaires ne sont pas plus exposées que les autres aux risques de mouvements de terrain. La moitié des 20 écoles exposées sont situées dans les Hauts, notamment à Cilaos et à Mafate. Trois établissements de santé sont concernés. Les maisons de retraite sont toutes épargnées.
Seuls 4 % des salariés des secteurs marchands non agricoles, soit 6 000 personnes, travaillent dans une zone à risque de mouvement de terrain.
- Les populations précaires ne sont pas plus exposées -
À leur domicile, 280 000 personnes, soit 32 % de la population réunionnaise, sont confrontées en 2020 à des bruits routiers gênants, ou de l’eau potable fréquemment de mauvaise qualité ou sont exposées à des risques d’inondations ou de mouvements de terrain.
Les populations pauvres résident à peine plus souvent que les populations plus aisées dans les zones d’exposition à ces risques et nuisances : 33 % des personnes vivant en situation de pauvreté monétaire y habitent, contre 29 % des personnes les plus riches.
Néanmoins, cet écart est réduit comparé aux écarts entre les zones de l’île où elles habitent.
L’exposition est aussi équivalente quels que soient le sexe, la situation familiale ou le type d’habitat. Les populations les plus vulnérables en termes de mobilité ou de santé, que sont les enfants de moins de 6 ans et les personnes âgées de plus de 75 ans, ne sont pas plus exposées que les autres à leur domicile à ces quatre risques et nuisances.
- Les populations de l’est de l’île cumulent davantage les risques et nuisances -
Environ 52 000 personnes, soit 6 % de la population, sont exposées à plusieurs de ces quatre risques et nuisances. Dans la Cirest, 20 % des habitants cumulent nuisances sonores avec mauvaise qualité de l’eau potable ou risque d’inondation ou de mouvement de terrain, contre moins de 5 % dans les autres intercommunalités de l’île.
Les populations de l’est de l’île sont davantage exposées à plusieurs de ces risques et nuisances, quelle que soit l’altitude à laquelle elles vivent : 24 % pour celles vivant dans les Bas, 12 % à Mi-pentes et 8 % dans les Hauts.
Quelle que soit l’EPCI, les 429 000 personnes habitant dans les Bas, sont davantage exposées que la moyenne : 9 % d’entre
elles sont confrontées à plusieurs phénomènes. En effet, plus proches des axes routiers, elles subissent davantage de nuisances sonores.
De plus, les cours d’eau et ravines des Bas sont moins encaissés que dans les Hauts. En cas de fortes pluies, ils débordent plus souvent, d’où des risques d’inondation plus importants.
Pour autant, ce ne sont pas les zones les plus denses des Bas qui sont les plus touchées. En particulier, la population des quartiers prioritaires de la politique de la ville, majoritairement située dans des zones où la densité excède 4 000 habitants au km², n’est pas plus
exposée que la moyenne. Ce sont au contraire les zones moins denses des Bas qui sont les plus concernées : 11 % de leurs 221 000 habitants sont confrontés à plusieurs risques ou nuisances.
En effet, en plus des bruits routiers et du risque d’inondation s’ajoute dans ces zones moins denses un risque de mouvement de terrain supérieur à celui des zones des Bas les plus urbanisées.
Dans les Hauts, les expositions sont légèrement moindres : 5 % de ses 179 000 habitants sont touchés par plusieurs risques et nuisances. En effet, les bruits routiers et le risque d’inondation y sont peu présents, même si le risque de mouvement de terrain est plus élevé qu’ailleurs.
À Mi-pentes, l’exposition à plusieurs risques et nuisances est plus faible : 2 % des 255 000 habitants sont concernés.
- D’autres risques et nuisances pour la population réunionnaise -
Toute la population réunionnaise est soumise aux risques cyclone, séisme et éruption volcanique, même s’ils ne touchent pas tout le monde de la même façon.
D’autres risques sont plus localisés. Certains risques ou nuisances ne peuvent pas, pour l’instant, être mesurés à un niveau fin : nuisances olfactives (près des centres d’enfouissement des déchets par exemple), exposition aux UV et à la chaleur intense, mauvaise qualité de l’air intérieure et extérieure, autres nuisances sonores (hélicoptères par exemple). Quant à la pollution des cours d’eau et des nappes phréatiques, si elle est bien mesurée, il est difficile à ce jour d’en évaluer l’impact direct sur la santé humaine et les types de populations les plus impactées.
L’ensemble de la population est en revanche concernée par les risques sanitaires liés à la dengue et à la leptospirose (maladie transmise par les rats).